Quatre algériens bientôt extradés de Londres

POUR «RAISON DE SÉCURITÉ NATIONALE»

Quatre algériens bientôt extradés de Londres

L’Expression, 10 décembre 2006

Si les magistrats britanniques estiment que les mis en cause ne feront pas l’objet de sévices en Algérie, la mesure d’extradition prendra effet dans quelques semaines.

Les autorités britanniques pourraient extrader vers l’Algérie quatre ressortissants algériens «pour des raisons de sécurité nationale», et dans le cas où les magistrats londoniens estiment que les mis en cause ne feront pas l’objet de sévices en Algérie, la mesure d’extradition prendra effet dans quelques semaines.
Les quatre Algériens mis en cause avaient fait appel, en septembre dernier, mais l’évolution des relations algéro-britanniques, no-tamment en matière d’extradition et de poursuites judiciaires, poussera certainement les juges britanniques à se débarrasser d’hôtes aussi encombrants.
La présence à Alger, il y a quelques jours, d’une délégation britannique qui avait notamment visité certaines prisons algériennes «de haute sécurité» et s’est enquis des conditions de détention en Algérie, jugées «dé-centes et acceptables», plaidait pour un début des extraditions britanniques vers l’Algérie.
Le bras de fer qui a marqué jusque-là les relations entre les autorités britanniques et les puissants juges londoniens, qui refusaient d’extrader des prisonniers «qui ne feraient pas l’objet de procès équitables dans leurs pays d’origine», semble avoir trouvé un compromis. Les autorités britanniques avaient placé, en septembre 2006, les sept Algériens en attente d’expulsion «pour des raisons de sécurité nationale». Certains de ces hommes ont été blanchis en avril lors de l’affaire du complot à la ricine, dans laquelle l’Algérien Kamel Bourgass, accusé d’être un membre actif d’Al Qaîda, avait été condamné à 17 ans de prison. Quatre autres Algériens avaient été, à l’époque, acquittés: il s’agissait de Mouloud Sidali, «David» Aïssa Khellaf, Sidali Feddag et Mustapha Taleb, alors que les poursuites avaient été totalement abandonnées contre trois autres Algériens: Samir Asli, Mouloud Bouhrama et Kamel Mezzoug.
Le 11 août, dix étrangers avaient été arrêtés, suite à la répression opérée par la police londonienne contre les milieux islamistes.
Parmi ces dix étrangers figuraient notamment, l’imam jordanien Abou Qatada, ancien mufti du GIA, et sept Algériens soupçonnés par Scotland Yard d’activités portant atteinte à la sécurité du Royaume.
Les attentats de Londres de juillet dernier, qui avaient fait 56 morts et quelque 700 blessés, ont déclenché une véritable machine policière contre les milieux islamistes radicaux. Coups de filet alternaient avec interrogatoires avec mise en examen et annulation des procédures. Abou Qatada et Omar Bakri, les deux chefs de file de l’islamisme politique anti-Occident, en avaient fait les frais, les premiers.
En fait, les ennuis pour la communauté algérienne établie en Grande-Bretagne avaient commencé au lendemain des attentats du 11 septembre, et sept Algériens (on les arrête toujours par sept! Ndlr) avaient été alors arrêtés à Edimbourg.
Il y a deux jours, des experts en explosifs ont démontré, devant un tribunal à Belfast, qu’une bombe pouvait être fabriquée et mise à feu dans un avion à partir des instructions trouvées chez Abbas Boutrab, un Algérien accusé d’activités terroristes liées à un réseau islamiste, et au domicile duquel, à Shore Road, dans la banlieue de Belfast, ont été saisis des articles pouvant être utilisés pour une entreprise terroriste et 25 disques informatiques concernant des écrits subversifs (Boutrab a toujours clamé son innocence, et son procès peut se prolonger jusqu’à trente jours encore).
Pour revenir aux arrestations de jeudi, qui ont touché des Algériens, la chaîne qatariote Al Jazeera a fait parler le même jour un expert londonien du dossier sécuritaire, lequel affirme que «la bataille des procédures entre le gouvernement Blair et les juges risque d’être longue» et a ajouté que pour les Algériens, «les extraditions peuvent prendre deux ou trois ans avant d’aboutir».
Le même jour, le ministre de l’Intérieur, Charles Clarck, devait transmettre aux partis d’opposition certaines clauses controversées de son projet de loi antiterroriste pour tenter d’obtenir leur soutien avant la publication officielle du texte, mi-octobre, et jusqu’à cette heure, «les autorités ont refusé de donner des informations sur l’identité des étrangers placés jeudi en détention», ajoute l’AFP.
Depuis le 11 septembre, et en vertu des clauses signées avec des pays arabes, la Grande-Bretagne essaye d’extrader des chefs islamistes qu’elle juge «ingérables».
La Jordanie et le Liban ont vu quelques cas d’extradés revenir chez eux, mais de pareils accords n’existent pas encore avec l’Algérie, bien qu’Alger ait ratifié toutes les conventions et accords et donné à Londres toutes les garanties que les prisonniers seront traités dans le strict respect des droits de l’homme.
La plus grande garantie de l’Algérie vis-à-vis des pays occidentaux reste, aujourd’hui, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et qui préserve leurs libertés et leurs droits à tous les islamistes recherchés et vivant en Europe ou aux Etats-Unis et qui garantit à chacun un procès équitable.

Fayçal OUKACI