Sommet demain à Paris de l’UPM : Le choix des uns, l’ambiguïté des autres

Sommet demain à Paris de l’UPM : Le choix des uns, l’ambiguïté des autres

El Watan, 12 juillet 2008

Le sommet fondateur de l’union pour la Méditerranéen (UPM) aura lieu demain à Paris. Le cérémonial durera quatre heures au Grand Palais. Une déclaration sera adoptée par les 44 chefs d’Etat invités à ce rendez-vous politique programmé à la veille de la fête nationale française du 14 juillet.

La commission européenne a imposé un texte long et technique qui semble déplaire à Paris. « La Méditerranée est au cœur de toutes les grandes problématiques de ce début de siècle. Développement, migrations, paix, dialogue des civilisations, accès à l’eau et à l’énergie, environnement, changement climatique : c’est au sud de l’Europe que notre avenir se joue », a écrit hier, dans les colonnes du quotidien Le Monde, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères français. La présence à Paris du président syrien Bashar Al Assad, qui va assister au défilé militaire du 14 juillet, sera la plus visible. Celle du Président algérien beaucoup moins. Abdelaziz Bouteflika a entretenu un suspense sur sa participation à l’UPM, sans permettre réellement à la diplomatie algérienne d’en donner des explications logiques. Ce week-end, beaucoup de confrères français nous ont appelés pour savoir « pourquoi le Président algérien a changé d’avis » et accepté « de venir à Paris ». Et on commence à parler de l’existence d’un deal qui serait probablement lié à des échéances politiques internes à l’Algérie. « Pas des réticences mais des pourparlers », a dit Bouteflika, en marge du sommet du G8, à propos du retard pris avant d’annoncer sa présence à Paris. La diplomatie à voix inaudible est forcément mal écoutée, mal comprise.

Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, n’a pas utilisé toutes ses cordes pour exposer au public la véritable teneur des « pourparlers ». Mercredi 9 juillet, à l’occasion d’une conférence conjointe avec son homologue espagnol, il a ajouté une couche à la confusion sur la position d’Alger quant à l’UPM. Il a annoncé que le Forum Méditerranée (Formed), qui s’est réuni à Alger en juin dernier, a demandé des clarifications sur le projet. « Cette demande de clarifications n’a jamais conditionné la participation de l’Algérie au sommet de Paris », a précisé Medelci. Cela inspire deux lectures. D’abord, on ne sait plus qui a « finalement » demandé des « clarifications » : est-ce le Formed, l’Algérie ou le groupe des pays arabes de la Méditerranée ? Ensuite, la participation algérienne à l’UPM était déjà acquise, puisque la demande de « clarifications » n’était pas « une condition ». Medelci n’a pas dit si l’Algérie a exigé ou pas de Paris de préciser le rôle d’Israël au sein de l’UPM. Le même Medelci avait précisé, fin mai 2008, que la présence d’Israël n’était pas une contrainte, puisque ce pays siège déjà dans le Processus euro-méditerranéen de Barcelone aux côtés d’Etats arabes. Abdelaziz Belkhadem, ex-chef de gouvernement, en a parlé sans dire s’il s’agissait d’une condition préalable à la participation. Le sommet de l’UPM, selon des sources, devrait appeler à soutenir l’initiative arabe de paix (réactivée par le sommet de Riyad) et appuyer les efforts de la Turquie de rapprocher les points de vue de la Syrie et d’Israël.« Le Président a confirmé son intérêt dès le premier jour où nous avons parlé de l’union de la Méditerranée devenue UPM », a déclaré Bernard Kouchner, fin mai 2008, lors d’une visite à Alger. Il n’était donc pas question que l’Algérie soit absente au sommet de l’UPM. Mais qu’a-t-on gagné en cultivant le suspense ? Il est dit qu’Alger a imposé la question de la libre-circulation des personnes. Peu de chances que le thème soit abordé sérieusement lors d’un sommet fondateur de l’UPM. Surtout que l’Europe cherche à se doter d’un pacte anti-migration irrégulière. De plus, les pays du Maghreb ne parle pas le même langage. La Tunisie, qui cherche à attirer le siège du secrétariat de l’UPM, n’a posé aucune condition. La Libye qualifie l’UPM de « projet effrayant et dangereux » et le Maroc reste muet sur ses demandes vis-à-vis de l’UPM.

L’UPM et les ONG

La Commission européenne, qui a élaboré le projet de déclaration des chefs d’Etat à signer le 13 juillet, souligne que l’UPM est « une opportunité historique » de promouvoir les relations euroméditerranéennes à une nouvelle échelle. « Le succès de l’initiative est entre les mains des citoyens, de la société civile et du secteur privé, qui doit s’impliquer d’une manière active », est-il relevé. Amnesty International a regretté, dans un communiqué rendu public hier à Londres, l’évacuation de la question des droits humains de l’UPM. « L’Union européenne risque de violer ses devoirs. L’actuelle proposition n’a finalement pour but qu’une augmentation de la coopération pour des considérations financières et commerciales », est-il relevé. Dans le projet de déclaration de lancement de l’UPM, il est juste souligné la nécessité de renforcer « le pluralisme politique par l’élargissement de la participation à la vie politique en prenant en considération tous les droits humains et les libertés fondamentales ». Insuffisant aux yeux d’Amnesty International.

Des experts ont également exprimé des craintes par rapport à d’autres aspects. « Nous voyons tous les problèmes du processus de Barcelone réapparaître, par exemple les difficultés des pays arabes à coopérer avec Israël ou la dispute entre le Maroc et l’Algérie sur le Sahara occidental », a relevé, cité par l’agence AFP, Clara Marina O’Donnell, analyste au Center for European Reform à Londres. Dans « une lettre aux chefs d’Etat de l’UPM », publiée jeudi 10 juillet par Le Monde, des personnalités ont exhorté les participants au sommet de demain d’avoir l’audace « qu’il faut pour faire de ce sommet la reconnaissance d’un ancrage historique et le début d’un destin partagé ». « La Méditerranée est à un tournant de son histoire. Elle fait face à quatre transitions : énergétique, climatique, démographique (vieillissement au Nord et fin de transition démographique au Sud) et politique (mise sur pied d’un nouveau contrat social au Nord, progrès de la démocratie au Sud). Nous avons trente ans pour, ensemble, réussir ce tournant. L’alternative est claire : nous unir ou nous marginaliser. L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare et se construit. Commençons. Maintenant », ont-ils écrit. Cette lettre a été signée, entre autres, par Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, Romano Prodi, ancien président du conseil d’Italie, Ely Ould-Mohamed Vall, ancien président de Mauritanie et Alain Juppé, ancien Premier ministre français.

Par Faycal Metaoui