Une année scolaire catastrophique

Le personnel de l’éducation tire la sonnette d’alarme

Une année scolaire catastrophique

El Watan, 23 mars 2010

Le constat établi n’est pas du tout reluisant, il est même très négatif : l’année scolaire 2009-2010 est qualifiée, d’ores et déjà par bon nombre d’observateurs, de véritable échec.

Il faut admettre que l’année a été, dès le début, perturbée et ce n’est pas l’avancement des dates des examens de fin d’année qui va arranger les choses. Mais qui est responsable de cette catastrophe ? Le gouvernement, le ministère de tutelle, les syndicats ou alors les parents d’élèves ?

D’aucuns estiment que la responsabilité est partagée mais il reste que la première victime n’est autre que l’élève. Pour ce qui est de l’avancement des dates des examens, certains enseignants et responsables de syndicat adhèrent à cette initiative, alors que d’autres n’ont pas compris le sens de ce décalage. Tous les enseignants que nous avons pu approcher hier évoquent leur incapacité à récupérer le temps perdu. Très critique, un éducateur pense que la plupart des élèves qui seront admis en classe supérieure auront incontestablement des difficultés à poursuivre normalement leur cursus. « La grève a touché sans aucune exception tous les paliers, mais le suivi a varié d’un établissement à un autre, aujourd’hui nul n’ignore que les programmes ne seront achevés qu’à hauteur de 50 à 60% », a fait remarqué un enseignant du secondaire.

Un éducateur de collège estime que : « la rentrée scolaire a accusé un retard d’un mois en raison du mois de Ramadhan, suivi de deux mois de grève en novembre et en février. Dans l’ensemble, les élèves ont raté une vingtaine de semaines de cours. Ce n’est pas en un mois que l’on rattrape un retard aussi important ». Il précise : « Même s’il y a la volonté des enseignants, le temps fait défaut, sans omettre que l’emploi du temps des élèves n’est pas aéré de telle sorte à programmer des heures de rattrapage. Avec une semaine chargée de 8h à 17h, nous n’avons aucun espace pour une éventuelle récupération et il est quasiment impossible de rattraper le retard durant la journée de samedi ».

Dans ce cas de figure que va-t-il se passer ? A l’unanimité, les enseignants parlent de l’inévitable sacrifice de la partie liée aux exercices. « Si l’on veut avancer dans le programme, nous serons obligés, soit de prodiguer des cours sans les accompagner d’exercices pratiques, ou alors de distribuer des polycopies pour les élèves des classes d’examen », a soutenu un enseignant de terminale. Pour sa part, G. H., conseillère d’orientation pédagogique au niveau de la wilaya d’Alger, accuse les pouvoirs publics : « La tutelle a poussé au pourrissement, elle aurait dû régler le problème dès son apparition puisqu’elle connaissait parfaitement les répercutions d’une grève cyclique sur la scolarité des élèves », a noté cette psychologue, qui ne comprend pas, en outre, l’attitude du ministère qui décide de changer en plein milieu scolaire le programme et la date des examens sans la consultation des enseignants.

« Les élèves sont très perturbés, ils ne vont pas pouvoir assimiler leurs cours, car ils sont conscients du retard cumulé, et la pression qu’ils risquent de subir va constituer un handicap pour eux », regrette notre interlocutrice, qui est convaincue que la polycopie est loin d’être la solution appropriée.

Du côté syndical, Méziane Meriane du Snapest déplore que l’horloge de l’Algérie s’arrête sur l’événement de la Coupe du monde. Ce syndicaliste, même s’il rejette en bloc toute responsabilité des syndicalistes dans la catastrophe qui secoue le secteur de l’éducation, ne nie pas que les pouvoirs publics sont en train de colmater les brèches. « Dans certains collèges et lycées, c’est le cafouillage, nous avons un temps à rattraper, le ministère n’aurait pas dû mettre les établissements sur un pied d’égalité, mais plutôt les traiter au cas par cas », explique M. Meriane. « Le calendrier des examens n’est pas élaboré par hasard », lance-t-il. Idir Achour du CLA parle de l’existence d’une conscience pour sauver l’école algérienne, mais, de son avis, le secteur de l’éducation sera en éternelle perturbation si la situation socioprofessionnelle des travailleurs de ce secteur n’est pas prise en charge.

Par Nabila Amir