Marche du FFS à Tizi Ouzou

Marche du FFS à Tizi Ouzou

Des centaines de personnes dans la rue pour dénoncer la violence

El Watan, 11 novembre 2006

Les rues de la ville de Tizi Ouzou ont vibré, jeudi, au rythme de la contestation politique. L’appel à une marche populaire lancé par le FFS pour « dénoncer la spirale infernale des violences, des assassinats et des tueries » a rassemblé près de 3000 personnes.

En appelant à cette manifestation, la fédération du FFS de Tizi Ouzou a voulu rendre hommage « au citoyen modeste, à l’éducateur, au militant engagé et à l’élu de la population, feu Aïssat Rabah », assassiné le 12 octobre dernier dans son village de Aïn Zaouïa. Dès les premières heures de la matinée, les manifestants ont commencé à se regrouper près du stade du 1er Novembre, lieu de départ de la marche. Quelques bus de certaines communes des wilayas limitrophes, telles Afir de Boumerdès, d’Ibane de Béjaïa, ont déversé les manifestants. Ces derniers, des jeunes et des vétérans du parti, ont rejoint, tôt le matin, le point de départ de la marche, annoncée pour démarrer à 10h, mais qui s’est ébranlée vers midi. Des banderoles reprenant les slogans du FFS des années 1990 ont été déployées. On peut y lire : « Où veut-on mener la Kabylie ? », « Jusqu’à quand la fin des assassinats politiques ? », « Plus de services de sécurité, plus d’insécurité ». En somme, les slogans du parti d’Aït Ahmed ont été criés tout au long de la marche. Mais, curieusement, aucun mot n’a été prononcé pour dénoncer le terrorisme islamiste et peu de mots ont été entendus dénonçant l’assassinat du président de l’APW, Rabah Aïssat. Les manifestants ont dénoncé « les généraux assassins », réclamé « une commission d’enquête internationale » et crié des slogans à la gloire du président du parti, Hocine Aït Ahmed. La marche, bien que non autorisée, a bénéficié de l’appui des servies de police qui ont dégagé son itinéraire. Des cadres nationaux du parti, tels Laskri, Tabbou, et d’autres figures connues, comme Djamel Zenati, Ahmed Djeddaï, ont pris part à la manifestation. Des militants du FFS de Ghardaïa, reconnaissables à leur tenue traditionnelle, ont également participé à la marche. Celle-ci, qui s’est déroulée dans un ordre impeccable, a abouti devant le siège de l’APW, où une prise de parole a été organisée. Rabah Brahimi, responsable de la fédération FFS de Tizi Ouzou, dira dans son allocution : « Nous sommes-là pour exprimer notre deuil, celui d’avoir perdu un militant engagé, un homme intelligent et sage. C’est également une journée d’espoir, celui de l’Algérie démocratique et souveraine. » L’orateur a indiqué que son parti a manifesté pour dire « aux semeurs de la peur et de la terreur (que) ni vos balles assassines, ni vos vrais barrages, ni vos faux barrages ne nous feront détourner de notre engagement en faveur de la démocratie ». Pour sa part, le premier secrétaire national, Ali Laskri, dira : « La marche d’aujourd’hui est organisée pour briser le silence et gagner des espaces d’expression. D’autres régions du pays devraient suivre cet exemple. C’est une marche contre le crime, l’omerta et la corruption. » Le responsable du FFS a renouvelé la position de son parti, en disant que le FFS demeure « une véritable alternative politique pour les Algériens ». Il a également dénoncé les massacres des Palestiniens par l’armée israélienne et accablé la presse privée algérienne « aux ordres ». Avec la marche de jeudi dernier, le FFS a inauguré un nouveau cycle de protestation populaire et un nouvel itinéraire pour les marches à Tizi Ouzou. Celui-là même qu’a emprunté le cortège funèbre de Rabah Aïssat.

Saïd Gada


MARCHE DU FFS A TIZI-OUZOU

La venue d’une commission d’enquête internationale relancée

Le Soir d’Algérie, 11 novembre 2006

La marche nationale organisée par le FFS, jeudi dernier, à Tizi-Ouzou a été placée sous le signe “du deuil”, un clin d’œil, un hommage à la mémoire du P/APW, Rabah Aïssat, dans sa commune natale, il y a près d’un mois et “de l’espoir démocratique.” Une formulation et un mot d’ordre à travers lesquels Aït Ahmed et le FFS entendent réaffirmer leurs desiderata et prises de position par rapport à la question et à la crise politique de l’heure.
Tout en mettant le doigt sur l’impasse politique dans laquelle s’engouffre le pays, le FFS souligne l’échec des solutions préconisées par Bouteflika et relance sa demande pour la venue d’une commission d’enquête internationale pour faire la vérité sur ce qui se passe, depuis plus d’une dizaine d’années, en Algérie. Le nom et l’image du président du FFS ont été omniprésents durant la marche de jeudi dernier. Le charisme du vieux leader qui devait être à partir d’hier à Paris pour une conférence de presse, selon des informations qui restent à confirmer, a été évoqué par les marcheurs qui ont inlassablement scandé son nom et qui se plaisaient à rappeler au chef d’historique qu’ils gardent toujours la flamme de militants de l’opposition au régime allumée. La formule et le slogan amplifiés par un mégaphone porté par un jeune militant repris par le premier secrétaire national du parti, Ali Laskri, entouré par le reste des membres de la direction nationale qui étaient dans le même carré ne peuvent qu’être appréciés par ces derniers qui font face à un vent de contestation dont l’impact a, sans doute, constitué l’un des facteurs qui ont pesé sur la mobilisation qui était loin de rappeler l’engouement populaire drainé par les manifestations auxquelles avait appelées par le passé le FFS.
Jeudi dernier, la mobilisation n’était certainement pas du goût des nostalgiques de cette époque bénie où le plus vieux parti d’opposition démocratique faisait descendre des dizaines de milliers de manifestants dans la rue. Ils étaient près de deux milliers venus de Béjaïa, d’Alger, de nombreuses localités de la wilaya de Tizi-Ouzou et même de Ghardaïa, à arpenter le parcours et l’itinéraire prévus pour la marche qui s’est ébranlée de l’esplanade du stade du 1er- Novembre jusqu’au siège de l’APW, sous la présence discrète de services de sécurité déployés en grand nombre pour une marche où des ex-responsables du parti, à l’image de Ahmed Djeddaï, n’étaient pas passés inaperçus même s’ils s’étaient faits discrets et pour laquelle les organisateurs affirment n’avoir pas sollicité d’autorisation. Emblème national et portraits d’Aït Ahmed et de feu Rabah Aïssat portés en avant de la prossession, les marcheurs ont passé en revue tout le répertoire des slogans et de mots d’ordre chers aux militants du parti d’Aït Ahmed. “Assa azeka, l’FFS yella yella, pouvoir assassin, Aït Ahmed, on est toujours des opposants, commission d’enquête internationale…” Certains ont même ressorti, mais pas pour longtemps, le vieux slogan fétiche des années 1990 en criant : “Ni Etat intégriste, ni Etat policier.” Les cibles du jour ont été, les généraux qui ont essuyé des quolibets… à la hauteur de leur grade, comme le pouvoir, ils sont traités d’assassins. “Non à la dislocation politique économique et sociale de la Kabylie”. Une région qui se distingue comme le dit une banderole par l’envoi de renforts de services de sécurité mais, paradoxalement, par un déficit manifeste de sécurité.
Dans son intervention devant le portail resté fermé du siège de l’APW, le premier secrétaire de la fédération de Tizi-Ouzou restituera le sens de cette journée “de deuil et d’espoir” et vouée au souvenir de l’un “des plus engagés de nos camarades qui a su par son engagement politique éviter à notre région les aventures et l’irréparable”, dira le premier responsable fédéral pour qui la manifestation vise aussi “à dénoncer la poursuite de la politique de la violence et de la liquidation physique (…) Nous venons de signer l’échec de la politique punitive que mène le pouvoir contre un des bastions de la démocratie qui est la Kabylie”, stigmatisant “la politique raciste et brutale et les plans de dislocation politique et sociale du locataire d’El-Mouradia”. Le premier secrétaire fédéral ironisera sur la motion présentée par le groupe RCD à l’APW, mais refusée et proposant une session de l’APW sur l’insécurité en Kabylie bien avant l’assassinat de Rabah Aïssat “à quoi sert de débattre avec un wali et lui faire cadeau en détournant la question (de l’insécurité, ndlr) de sa dimension politique.” Offensif et virulent à l’égard du pouvoir, Ali Laskri estimera que la mobilisation et l’action initiée par son parti vise “à briser le silence, l’omerta imposés au pays par les assassinats, les vols, la corruption.” Dénonçant la complicité et le silence des grands de ce monde “sur les crimes politiques et les tueries”, l’orateur insistera sur la volonté du FFS de demander une commission d’enquête internationale. Il n’hésitera pas à désigner du doigt “le terrorisme” d’Etat estimant qu’il y a une impunité totale et qu’il y a “une absence de vérité sur les assassinats politiques et les tueries, Ali Laskri ajoutera : “Nous rejetons globalement et dans le détail, la charte pour la paix et la réconciliation de Bouteflika parce qu’elle est venue pour instituer et protéger les responsables de la crise et ne consacre pas le principe de vérité et de justice.” L’assassinat de Rabah Aïssat est synonyme pour l’orateur “d’assassinat de la légitimité populaire et de la représentation politique et sociale.” La provocation de la Kabylie à la veille des échéances électorales par la violence et les assassinats vise selon Laskri, la normalisation de cette région pour faciliter la fraude électorale. Laskri, que le traitement de l’information par la presse privée n’agrée, visiblement pas, reproche à cette dernière “d’être aux ordres du pouvoir (qui) a embrigadé la presse publique et verrouillé les médias lourds.” Il y a volonté manifeste, selon toujours Laskri, d’agir dans l’impunité d’escamoter la vérité sur les assassinats.
S. A. M.