Nouvelles du monde arabe
El Watan, 28 février 2011
– Égypte
L’ancien ministre égyptien de l’Intérieur, Habib El-Adli, va être jugé à partir du 5 mars pour blanchiment d’argent. Le procès de Habib El-Adli, arrêté le 17 février, tout comme les anciens ministres du Tourisme et de l’Habitat et l’homme d’affaires, Ahmad Ezz, se déroulera devant le tribunal pénal du Caire. Les quatre hommes, dont les comptes ont été gelés, avaient été interdits de sortie du territoire égyptien avant d’être placés en détention provisoire. Au-delà de l’accusation de blanchiment d’argent, les militants pro-démocratie réclament qu’il soit poursuivi pour les «abus» commis par les forces de l’ordre depuis son arrivée à la tête du ministère et l’usage de la force à l’encontre des manifestants. De nombreuses procédures ont été engagées contre de hauts responsables politiques ou des membres des milieux d’affaire après la démission, le 11 février, du président Hosni Moubarak sous la pression populaire. Jeudi, l’ancien ministre de l’Information, Anas Al-Fekki, et le président de l’audiovisuel d’Etat, Oussama El-Cheikh, ont été arrêtés à la suite d’accusations de corruption. Mercredi, la justice avait annoncé que l’ancien ministre de la Culture, Farouk Hosni, candidat malheureux à la direction de l’Unesco en 2009, faisait partie d’une liste de personnes auxquelles on a interdit de quitter l’Egypte.
– Irak
Un appel à de nouvelles manifestations vendredi à travers l’Irak a été lancé sur facebook par un groupe nommé les «Affamés d’Irak» afin d’exprimer la déception des électeurs près d’un an après les législatives du 7 mars. Et de rendre hommage aux 23 manifestants morts depuis le début du mois, dont 18 le week-end dernier. La journée de protestation est baptisée «Vendredi du regret». Face à la pression de la rue, le Premier ministre Nouri Al Maliki «a fixé au gouvernement et aux ministères une période de 100 jours au terme de laquelle un bilan sera tiré sur les échecs et les réussites de chacun», a annoncé un communiqué à l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire. Par ailleurs, le Premier ministre a diligenté une enquête sur les violences qui ont fait 18 morts pendant les manifestations de vendredi et samedi passés. Quatre journalistes, interpellés pendant les manifestations vendredi dernier à Baghdad, ont déclaré qu’ils avaient été «torturés» pendant leur détention et qu’ils entendaient poursuivre Al Maliki en justice pour cela.
– Liban
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté hier, à Beyrouth, contre le système confessionnel au Liban, à l’appel de groupes de jeunes sur facebook. «La révolution est partout… Liban, c’est à ton tour !», «Le peuple veut faire tomber le régime», ont scandé les manifestants, en majorité des jeunes. Le système libanais est un mélange complexe de partage du pouvoir basé sur des quotas communautaires et sur une tradition de «démocratie consensuelle». Depuis l’indépendance en 1943, il garantit une parité entre musulmans et chrétiens minoritaires dans la région. Il est, toutefois, accusé d’être à l’origine de tous les maux du pays, comme la corruption, le gaspillage, le clientélisme et, surtout, une guerre civile destructrice.
– Oman
Deux manifestants omanais ont été tués et cinq blessés, hier, par la police lors de la dispersion d’une manifestation de chômeurs à Sohar, à 200 km au nord de Mascate. Les manifestants, quelque 250 personnes, se sont rassemblés à la suite de la tentative d’attaque sur un rond-point proche, appelé rond-point de la Terre, qu’ils ont rebaptisé «rond-point de la Réforme». La police a tenté de les disperser à nouveau avant de quitter les lieux. Les manifestants ont scandé des slogans demandant des emplois, de meilleurs salaires pour les Omanais et des mesures de lutte contre la corruption. Il s’agit des premières manifestations violentes dans le sultanat d’Oman qui a connu ces dernières semaines des marches à caractère social. A.F.P.
Il a été remplacé par Béji Caïd Essebsi Mohamed Ghannouchi a «dégagé» !
El Watan, 28 février 2011
Il accuse des «cercles occultes» de manipuler des manifestations pacifiques. «Je ne serai pas un Premier ministre de la répression». Ancien ministre sous Bourguiba, Béji Caïd Essebsi sera-t-il «l’homme du consensus» ?
Comme il fallait s’y attendre, la terrible pression populaire a fini par avoir raison du Premier ministre tunisien de transition. Mohammed Ghannouchi a, en effet, jeté l’éponge hier, au terme de deux jours de protestation populaire assez violente qui rappelait les jours de gloire de la révolution du Jasmin. Mais c’est la mort de cinq personnes et la multiplication des saccages d’édifices publics dans plusieurs villes du pays qui semblent avoir motivé la décision de l’ex-Premier ministre de Ben Ali, très mal vu, il est vrai, par les jeunes révolutionnaires qui abhorrent tout ce qui rappelle l’ancien régime. «J’ai décidé de démissionner de ma fonction de Premier ministre (…). Je ne serai pas le Premier ministre de la répression», a déclaré M. Ghannouchi lors d’une conférence de presse à Tunis. Mais cette démission, aussi attendue soit-elle, n’en suscite pas moins des interrogations sur ses véritables motivations. M. Ghannouchi a en effet glissé dans son discours quelques petites phrases qui peuvent cacher de grandes manœuvres sur l’avenir réservé à la Tunisie par les «laboratoires» de l’ancien régime.
Des seigneurs de guerre ?
«Je ne suis pas le genre de personne qui va prendre des décisions qui pourraient provoquer des victimes», a déclaré le désormais ex-Premier ministre, un brin énigmatique. Ou encore : «Je ne serai pas le Premier ministre de la répression.» Des déclarations allusives qui en disent long sur les pressions qu’il a dû subir. A-t-il été forcé à prendre certaines (mauvaises) décisions ou à s’en aller ? C’est ce qu’on pourrait comprendre des propos cryptés de M. Ghannouchi. Ceci d’autant plus qu’il a dénoncé les actes de sabotage commis ces derniers jours par des «groupes occultes». Il a aussi dénoncé cet homme qui se promenait à Al Gasrine avec 90 000 dinars (55 000 euros environ) qu’il «distribuait aux casseurs», d’après lui. Des questions laissées en suspens par le Premier ministre démissionnaire. En démissionnant M. Ghannouchi a, en réalité, mis le doigt sur la plaie qui fait encore mal à la Tunisie : les autorités de transition ne contrôlent pas la situation sur le terrain, en témoignent les derniers événements. Lors de ses échanges avec les journalistes, il a enfoncé un peu plus le clou en évoquant la saisie des bien mobiliers et immobiliers ainsi que des avoirs de 110 collaborateurs et membres de la famille de l’ex-président Ben Ali.
Une décision de son gouvernement qui n’aurait pas été bien accueillie par certaines sphères apparentées à l’ancien régime. Le départ de Ghannouchi satisfait certes une demande de la rue, qui ne cesse de crier : «Ghannouchi dégage !», mais remet l’avenir de la Tunisie en pointillé… Après avoir résisté à des bourrasques populaires depuis la chute de son mentor de dictateur, l’ex-Premier ministre, qui a remanié et lifté son cabinet, n’a pu sauver sa tête qui ressemble trop à celle de Ben Ali.
Béji, un avocat pour une bonne cause
La Tunisie va sans doute se réveiller aujourd’hui avec encore plus d’incertitudes, alors que le calendrier électoral est ficelé sur fond de mouvements de foules difficilement maîtrisables. Certains partisans de l’ancien régime, tapis encore à l’ombre de la révolution, pourraient être tentés par le scénario du chaos pour reprendre du poil de la bête. M. Ghannouchi est, certes, une figure de proue du régime de Ben Ali depuis 1991. Mais sa démission risque d’ouvrir la Tunisie aux quatre vents. Après avoir démissionné du parti présidentiel, le RCD, contre lequel il a engagé une procédure de dissolution, et réclamé officiellement l’extradition de Ben Ali ainsi que la saisie de tous ses biens et ceux de sa famille, on ne peut raisonnablement accuser M. Ghannouchi de jouer les trouble-fête. Mieux encore, il avait promis de prendre sa retraite au terme de la transition politique. Ces gages de bonne foi n’ont pas suffit. Son remplaçant, Béji Caïd Essebsi, un vieux routier de la politique en Tunisie, a du pain sur la planche. Hassan Moali
Yémen Saleh crie au complot contre le «régime républicain»
Le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, contesté dans la rue, a évoqué un «complot» contre l’unité de son pays et juré de défendre le «régime républicain» dans un discours devant les commandants de l’armée et des forces de sécurité, ont rapporté hier les médias de Sanaa.
«Notre nation passe depuis quatre ans par des difficultés énormes (…) et nous essayons d’y faire face par des moyens démocratiques et par le dialogue avec tous les leaders politiques. En vain», a-t-il déclaré, rappelant que «la direction politique a présenté un train de mesures de réformes qui étaient demandées par les forces de l’opposition». «Il y a un complot contre l’unité et l’intégrité territoriale de la République yéménite et nous, au sein des forces armées, nous avons prêté serment de préserver le régime républicain, l’unité et l’intégrité territoriale du Yémen jusqu’à la dernière goutte de notre sang», a-t-il ajouté.
«Ce serment est toujours valable et il le restera», a encore affirmé M. Saleh. Le régime du président Saleh est contesté dans la rue depuis le 27 janvier avec des manifestations à Sanaa, Taëz, au sud de la capitale, et surtout à Aden, dans le sud du pays. Des rebelles chiites dans le nord du pays ont rejoint la contestation ainsi que de puissantes tribus, alors que le président fait face à des défections de membres de son propre parti. Rédaction Internationale
Bahreïn: Démission du bloc chiite au Parlement
Le groupe chiite au Parlement bahreïni a démissionné hier en bloc, au lendemain de l’annonce d’un remaniement ministériel que l’opposition a jugé insuffisante.
Les 18 députés du parti Wefaq ont annoncé leur démission après les violences qui ont marqué les premiers jours des manifestations populaires à Manama, exigeant la fin du régime monarchique des Al-Khalifa. Dans un communiqué, ils indiquent qu’ils ont confirmé par une lettre auprès des instances du Parlement leur décision prise après la mort de sept manifestants tués par la police. «Nous ne faisons plus parti de cette assemblée, qui n’a pas protesté face à ces massacres», indiquent les parlementaires dans leur lettre de démission. Cette décision doit encore être approuvée par les autres membres du Parlement de 40 sièges.
Si cette démission est acceptée, des élections partielles doivent être organisées dans les deux mois. Si le Parlement ne les accepte pas, il continuera d’opérer avec seulement 22 députés. Dans leur lettre, les parlementaires n’ont pas mentionné le remaniement annoncé samedi, mais des membres de l’opposition l’ont déjà dénoncé et assuré que cette initiative du gouvernement renforcera leur détermination. L’opposition dominée par les chiites demande l’instauration d’une véritable monarchie constitutionnelle en remplacement de la domination du pouvoir par la lignée des Al-Khalifa, une dynastie sunnite qui règne depuis plus de 200 ans.
Arabie Saoudite: L’appel des intellectuels
Une centaine d’intellectuels saoudiens ont lancé hier un appel pour des réformes politiques, économiques et sociales, réclamant notamment l’instauration d’une «monarchie constitutionnelle».
Dans cet appel mis en ligne sur Internet, ces intellectuels affirment que les soulèvements en Tunisie et en Egypte ont abouti à une situation dans le monde arabe qui nécessite «de déployer un maximum d’efforts pour mener des réformes avant que la situation ne se dégrade» dans le royaume. Parmi les principales revendications formulées par le texte figurent «l’instauration d’une monarchie constitutionnelle», «la séparation des pouvoirs» et l’adoption d’une Constitution.
L’Arabie Saoudite est une monarchie absolue et le roi Abdallah est également Premier ministre. Les signataires, dont le nombre était parvenu à 132 en milieu de journée, réclament également «l’élection au suffrage universel du Majlis al-Choura», le conseil législatif, et le droit de vote et d’éligibilité pour les femmes. L’appel demande en outre «l’adoption de mesures permettant d’accorder aux femmes le droit au travail, à l’éducation, à la propriété et à la participation à la vie publique». Le texte appelle également à interdire «toute discrimination confessionnelle, tribale, régionale ou raciale». «Ces demandes vont être prochainement présentées au roi Abdallah», a déclaré l’universitaire Khaled Al Dakhil, l’un des signataires de l’appel.