Ouyahia évoque «un complot étranger»

SELON LUI, L’ALGÉRIE EST À LA CROISÉE DES CHEMINS

Ouyahia évoque «un complot étranger»

Le Soir d’Algérie, 17 mars 2012

Ahmed Ouyahia ne mâche pas ses mots. Il parle ouvertement de «desseins qui se trament contre le pays» pour en faire un autre terrain de prétendues «révolutions», à la mode depuis début 2011 dans le monde arabe. Le patron de l’exécutif désigne même les parties concernées : «Une superpuissance» et «ceux qui se la coulent douce à Doha, Londres et Genève», c’est-à-dire les islamistes.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Dans une intervention fleuve, prononcée jeudi à l’occasion de la clôture de la conférence nationale pour la jeunesse organisée par son parti, le Rassemblement national démocratique, le Premier ministre dira clairement «qu’une superpuissance mondiale accorde, aujourd’hui, un intérêt accru à la jeunesse algérienne et annonce ouvertement son intention de former les jeunes sur les moyens de se mobiliser pour faire entendre leur voix auprès de leur régime et pour qu’ils puissent contribuer à l’instauration de la démocratie». Ceci, «alors même qu’elle rejette toutes les demandes de visas touristiques à des centaines de milliers d’autres jeunes algériens. Mais d’où vient donc cet amour subit pour la jeunesse algérienne ?». Pour Ouyahia, il ne fait aucun doute : «Tout ce qui intéresse ces gens-là, c’est de former nos jeunes à des printemps de révolutions colorées par certains ateliers européens » ! Et pour éviter un scénario à la libyenne, à la tunisienne ou à l’égyptienne, Ouyahia appelle les jeunes Algériens à la vigilance. Le patron du RND insiste particulièrement sur le retour inquiétant du «discours populiste et nihiliste depuis deux ans dans le pays. C’est ce même discours qui prévalait dans les années 1990 1991. C’était ce même climat qui régnait à l’époque. Une situation chaotique qui nous a menés aux années du terrorisme ». Des années durant lesquelles l’Algérie a perdu «y compris de jeunes égarés, entraînés vers la mort sans savoir pourquoi ils devaient mourir. Mais nous, nous savons qui les a entraînés dans les rangs du terrorisme. C’est bien entendu le groupe qui s’égosille aujourd’hui dans les tribunes de Doha, Londres ou Genève et appelle au retour de la révolution». Pour Ouyahia, le monde arabe vit, aujourd’hui, une situation de confusion et de désordre semblable à celle de mai 1968 en Europe. Et «analyser ce qui se passe aujourd’hui dans le monde arabe demande du temps». Mais il reste confiant quant à la capacité «du peuple algérien de protéger son pays comme il a eu à le faire contre Sant’Egidio en temps de crise lorsque le pays vivait sous embargo. Oui, le peuple algérien avait vaincu Sant’Egidio les pieds nus et le ventre creux. Il n’avait utilisé pour cela ni blindés, ni argent». Pour le premier responsable du gouvernement, il est hors de question de céder à la tentation du discours démagogique et nihiliste, celui là même qui avait occasionné des dégâts au sein de l’électorat dont la forte abstention avait permis la victoire du FIS avec toutes les conséquences que l’on connaît. Aussi, appelle- t-il les membres de son parti, le RND, à mener campagne pour les prochaines législatives «la tête haute ! Il faut être fier de notre bilan, du bilan du gouvernement auquel nous avons participé». Ouyahia dit tout assumer «contrairement à certains», entendre le MSP de Bouguerra Soltani. «Je rappelle à certains qui nous parlent de la corruption aujourd’hui, que les mesures les plus sévères contre ce phénomène ont été prises sous ce gouvernement. Je leur rappelle aussi qu’ils avaient voté contre tous les textes de loi portant lutte contre la corruption au niveau de l’Assemblée.» Ouyahia, qui prend le plus grand soin depuis quelque temps d’épargner le FLN de Abdelaziz Belkhadem, est ainsi le deuxième haut responsable du pays, après Bouteflika en personne, à parler ouvertement du danger réel d’une ingérence étrangère qui guette le pays. «Appelons les choses par leur nom : le monde arabe vit une véritable tempête ! Dites aux jeunes Algériens, interpellera-t-il solennellement son auditoire, que l’Algérie est à la croisée des chemins.» Il faut dire que le Premier ministre dispose de tous les rapports faisant état, en l’occurrence, de fréquentes visites de leaders islamistes chez des ambassades bien précises à Alger.
K. A.