Algérie-UE: Les discussions reprennent après une période de froid

Application de l’Accord d’association Algérie-UE

Les discussions reprennent après une période de froid

El Watan, 2 février 2010

De nombreux acteurs politiques algériens ne cessent de rappeler que cet accord de libre-échange a été négocié dans des conditions extrêmement défavorables pour l’Algérie.

Une délégation de la Commission européenne composée d’une douzaine de membres, conduite par Thomas Dupla Del Moral, responsable de la direction Proche et Moyen-Orient, Méditerranée du Sud à la direction générale des relations extérieures, entamera aujourd’hui une visite de travail de deux jours en Algérie. Cette visite a pour objet, selon un communiqué rendu public dimanche par le département dirigé par Mourad Medelci, de mener des consultations avec les autorités algériennes sur l’état et les perspectives de la coopération algéro-européenne. Outre le responsable des Affaire étrangères, M. Del Moral sera reçu par des responsables des ministères de l’Energie et des Mines, du Commerce, des Finances, de l’Agriculture et celui de la Pêche. Les deux parties procéderont, mentionne-t-on encore, à un échange de vues sur la mise en œuvre de la feuille de route relative à l’Accord d’association ainsi que sur les échéances prévues à cet égard en 2010, notamment le calendrier des réunions du comité d’association et des sous-comités sectoriels, en préparation au Conseil d’association prévu en juin prochain. C’est d’ailleurs ce même Conseil qui aura à évaluer les cinq ans d’application de l’accord. En attendant, il est difficile de dissimuler le fait que cet accord d’association n’a suscité, depuis sa signature en 2002, que des mécontentements en Algérie. Cinq années après son entrée en vigueur, il est régulièrement critiqué par les opérateurs économiques algériens, qui ont demandé à ce que certains de ses volets soient complètement revus. De nombreux acteurs politiques algériens ne cessent de rappeler aussi que cet accord de libre-échange a été négocié dans des conditions extrêmement défavorables pour l’Algérie. Il faut s’attendre à ce que ces positions soient réitérées à l’occasion de la venue de M. Del Moral. En ce qui le concerne, le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Réda Hamiani, ne manque pas l’occasion, à chaque grand rendez-vous économique, de mettre en exergue « les pertes occasionnées par l’entrée en vigueur des accords d’association de l’Algérie avec l’UE ». Concernant cet aspect précis de la question, le patron du FCE a souvent expliqué que « la période de transition accordée aux sociétés algériennes pour s’adapter et se mettre à niveau est trop courte ». « Il faut plus de temps et un processus massif de mise à niveau de nos entreprises et de l’administration », a-t-il dit en soulignant que « notre attente du partenaire européen, c’est de construire une communauté d’intérêt à travers un partenariat équilibré ».

L’Algérie perd 1,5 milliard de dollars en 2009

Les fortes inquiétudes des Algériens s’expliquent aujourd’hui en partie par le fait que l’accord doit se traduire, dès cette année, par un démantèlement total des barrières douanières, donc l’ouverture du marché algérien aux produits de l’UE. Une situation à laquelle, bien entendu, personne ne s’est véritablement préparé. Il faut dire que l’Union européenne qui, de son côté, s’était engagée, via un programme de modernisation des entreprises algériennes pour leur permettre de faire face à la concurrence européenne, n’a finalement pas fourni le soutien qui était vraiment attendu d’elle. Résultat des courses : des centaines de PME-PMI ont déjà dû mettre la clé sous le paillasson, supprimant de fait des milliers d’emplois. En tout, l’Accord d’association Algérie-UE s’est traduit par 1,5 milliard de dollars de pertes fiscales pour l’Algérie, à fin juin 2009. « Pour 1 dollar exporté vers l’Europe, l’Algérie importe pour 20 dollars », expliquait, il y a peu, Cherif Zaâf, le négociateur algérien à l’OMC. Cette situation a d’ailleurs amené certains chefs d’entreprise algériens à dire que « l’accord de l’Algérie avec l’UE a été signé au détriment des entreprises algériennes ». Par rapport à cela, les responsables algériens n’hésiteront certainement pas à vider leur sac maintenant que les discussions avec l’UE ont repris. Cela du moins dans la forme. En plus des dossiers liés à l’industrie et au commerce, il n’est pas inutile de rappeler que les autorités algériennes et la Commission européenne sont actuellement en train de négocier l’établissement d’un partenariat stratégique dans le domaine de l’énergie. Là aussi, les observateurs, des deux côtés, affirment que les discussions sont laborieuses. Des discussions presque aussi laborieuses que celles concernant le volet de la libre circulation des personnes. Un dossier à propos duquel Bruxelles lance de très mauvais signaux. Les responsables européens militent, en effet, pour une libre circulation des biens dans la zone euroméditerranéenne et font tout pour acheter du gaz algérien à bon marché. Toutefois, ils restent opposés à l’idée de faire appliquer ces facilités aux personnes. Cette attitude, est-il besoin de le dire, a contribué grandement à la dégradation des relations entre Alger et Bruxelles. Justement, la visite de Thomas Dupla Del Moral à Alger intervient après une période de froid entre Alger et Bruxelles, qui a connu son summum après la promulgation notamment de la loi de finances complémentaire 2009. Reste maintenant à savoir ce que les Européens ont à proposer pour débloquer la situation.

Par Zine Cherfaoui