Belaïz limoge l’inspecteur général du ministère

LES MAGISTRATS OBTIENNENT GAIN DE CAUSE

Belaïz limoge l’inspecteur général du ministère

Le Soir d’Algérie, 15 mars 2011

Le ministre de la Justice a mis fin, dimanche, aux fonctions de l’inspecteur général de son département. La décision de Taïeb Belaïz fait suite à une forte pression exercée par les magistrats.

Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Les magistrats ont fini par avoir le dernier mot dans le bras de fer qui les opposent à Ali Badaoui, l’inspecteur général du ministère de la Justice. Ce haut responsable, longtemps considéré comme l’un des hommes forts de ce secteur, a été limogé dimanche par Taïeb Belaïz. «L’inspecteur général s’est vu signifier officiellement sa mise de fin de fonction. Cette décision fait suite à une enquête interne menée auprès d’un groupe de magistrats. Les investigations ont confirmé que des magistrats ont été victimes de dépassements verbaux», explique une source proche du ministère de la Justice. Notre interlocuteur tient toutefois à préciser que l’inspecteur général «n’a jamais interféré dans l’action des magistrats». Ce conflit a réellement éclaté au début du mois de février lorsqu’une lettre initiée par un collectif dit «des magistrats libres des cours et des tribunaux» a été rendue publique. «Le harcèlement dont font l’objet les magistrats, juges et procureurs de la part de ce fonctionnaire doit être porté à la connaissance de l’opinion publique, de Monsieur le Président de la République, de toutes les composantes politiques du pays, des élus du peuple et des défenseurs des droits de l’homme. Ce fonctionnaire, qui s’est érigé en censeur de toutes les activités judiciaires, monopolise depuis deux années les attributions de tous les autres départements de la chancellerie et celles des chefs de juridiction. Techniquement, il pilote le ministère, par des instructions, à caractère dictatorial, qu’il assène aux chefs de cour, verbalement et par téléphone dans la majorité des cas, parce qu’il sait qu’elles sont illégales, et par des menaces à l’intention des magistrats, dans le but de n’obéir qu’à ses ordres et directives dans toutes les affaires, même s’il faut bafouer la loi», peut-on lire dans cette lettre.

Témoignages accablants

Pour obtenir le départ de Ali Badaoui, les magistrats menacent de tenir un sit-in le 19 février devant le siège du ministère de la Justice à El- Biar. En ces temps de contestation généralisée, une manifestation de magistrats aurait était inconcevable pour les pouvoirs publics. La situation est telle que le ministre se trouve dans l’obligation de gérer cette crise avec les membres du bureau du très officiel Syndicat national des magistrats. Taïeb Belaïz décide d’ouvrir une enquête interne auprès d’un panel de douze magistrats. Le ministre mène personnellement les auditions. Selon une source au fait du dossier, les faits rapportés seraient accablants. «La première audition concernait quatre magistrats exerçant à la cour de Sidi-Bel-Abbès. Ils ont raconté dans le détail les insultes proférées par l’inspecteur général. Ali Badaoui leur aurait déclaré que tous les magistrats des juridictions de cette cour sont des corrompus. Une semaine plus tard, le ministre a reçu deux magistrates. Leurs témoignages sont d’une gravité extrême. Ce sont les faits qu’elles ont rapportés qui auraient précipité le limogeage de l’inspecteur général du ministère de la Justice».

Le cas Haboul

Notre source précise qu’au cours de ces dernières années, plusieurs plaintes administratives contre l’inspecteur général ont été introduites par de nombreux magistrats. Toutes ont été classées sans suite. C’est le cas notamment du magistrat Abdallah Haboul qui mène une véritable guerre contre l’appareil judiciaire et l’administration. Membre de la section syndicale SNM dans la wilaya de Constantine, il est muté en qualité de procureur de la République dans la wilaya d’El-Bordj, suite à la crise qui a secoué cette organisation en 2004. Quelques mois plus tard, il fait l’objet d’une suspension pour retard à une audience et absence à deux cours d’informatique. Mais lors de son passage devant la commission de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, Haboul est pris à partie par Ali Badaoui qui l’accuse d’être «un magistrat indigne». Des propos que réprouveront sur-le-champ tous les membres du CSM. Le magistrat Haboul décide d’introduire une plainte administrative officielle pour insulte. Elle reste sans suite malgré un rappel. Il finit par introduire une plainte pénale pour outrage et insulte contre Ali Badaoui devant le procureur de la République du tribunal de Bir-Mourad- Raïs. Il semblerait que cette plainte ait mystérieusement disparu. Nouvelle procédure en décembre 2008. Haboul introduit une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de Bir-Mourad-Raïs pour les mêmes faits. Le doyen des juges d’instruction se déclare incompétent à travers une ordonnance. Abdallah Haboul interjette appel de l’ordonnance devant la cour d’Alger. Mais cette dernière confirme l’incompétence. Décidé à mener son combat jusqu’au bout, Haboul se pourvoit en cassation devant la chambre criminelle de la Cour suprême. Il gagne une importante bataille contre Ali Badaoui et l’ensemble du système judiciaire puisqu’une audience publique est programmée pour ce jeudi. La chambre criminelle de la Cour suprême aura donc à statuer sur la suite à donner à cette affaire.
T. H.


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES MAGISTRATS

«Il ne faut pas que cela se reproduise»

Contacté, hier, le secrétaire général du Syndicat des magistrats s’est dit satisfait de la décision prise par le ministre de la Justice à l’encontre de l’inspecteur général, Ali Badaoui. «Il ne faut surtout pas que de telles actes se reproduisent», a précisé Djamel Aïdouni.
T. H.

Merouche remplace Badaoui

Noureddine Merouche a été chargé d’assurer l’intérim à l’inspection générale du ministère de la Justice suite au limogeage de Ali Badaoui, apprend-on de sources sûres. Noureddine Merouche exerçait en qualité de magistrat à la Cour suprême.
T. H.