Les avocats réussissent leur marche

MALGRÉ UN IMPOSANT DISPOSITIF POLICIER

Les avocats réussissent leur marche

Le Soir d’Algérie, 30 juin 2011

Pari gagné pour les robes noires. Hier, ils étaient des centaines d’avocats, voire plus d’un millier, à manifester devant l’Assemblée nationale contre le nouveau projet de loi portant organisation de la profession d’avocat. Devant un dispositif policier impressionnant, les avocats ont porté haut et fort leur revendication.
Abder Bettache – Alger (Le Soir) – Le cortège des avocats a réussi à marcher au centre de la capitale, soit près de 200 mètres, distance séparant le tribunal de Sidi-M’hamed sis à la rue Abane-Ramdane de l’Assemblée nationale située au boulevard Zighout-Youcef. Les avocats déterminés à se rassembler devant l’APN ont réussi à forcer le cordon de policiers et atteindre le lieu du sit-in. Scandant notamment «la défense réclame le retrait du projet», ou encore «démissionnez Monsieur le Ministre», les contestataires, conduits par les membres du conseil du barreau d’Alger dont le bâtonnier Sellini et les avocats Benissad, Chaoui, Bouchachi, ont affiché une détermination farouche pour faire entendre leurs voix. «Les auteurs du projet veulent empêcher les avocats de défendre les victimes de l’injustice », a déclaré le bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau d’Alger, Me Abdelmadjid Sellini. Selon lui, le projet de loi portant organisation de la profession, présenté le 8 juin par le ministre de la Justice devant la commission des affaires juridiques de l’APN, limite l’indépendance de la défense. «Des dispositions de ce projet à l’instar de son article 24, constituent une atteinte à l’indépendance de la défense en permettant au représentant du parquet d’empêcher un avocat de plaider et de le renvoyer devant le conseil de discipline s’il juge que sa plaidoirie perturbe l’audience», a commenté Me Amine Sidhoum et d’ajouter : «Nous ne sommes affiliés ni au ministère de la Justice ni au procureur général. Nous appartenons à un Ordre des avocats qui est indépendant. » Hier, devant le siège de l’hémicycle Zighout-Youcef, les robes noires ont bravé l’interdit, en observant un sit-in devant l’APN. «C’est une revendication pour la consécration des libertés », dira un avocat. Pour Me Djediat Mohamed, avocat connu à la cour d’Alger, «il est urgent que les pouvoirs publics retirent ce projet de loi». «Si le pouvoir nous tourne le dos, nous irons vers une grève illimitée et le citoyen sera le premier touché», menacent-ils. Les robes noires exerçant dans la capitale ne comptent pas baisser les bras. Les avocats entendent aller jusqu’au bout pour faire avorter ce texte de loi, actuellement au niveau de l’APN. «La mobilisation est de mise et nos préoccupations sont légitimes. Nous revendiquons la liberté et l’indépendance de la profession d’avocat», explique maître Bouchachi, qui ne comprend pas la démarche du pouvoir. Et d’ajouter : «Notre contestation est justifiée. Si le ministre parle de l’amendement du projet par les députés, nous, on s’interroge pourquoi la tutelle n’a pas opéré des changements avant le renvoi du projet à l’APN». De son côté, Me Noureddine Benissad dira que «les avocats rejettent ce projet de loi globalement et dans le détail, car il est en contradiction avec les dispositions de la Constitution algérienne qui garantissent les droits de la défense. Il n’est pas conforme aux conventions internationales sur les droits de l’homme ratifiées par l’Algérie. Il est le contraire des recommandations de la commission nationale de la réforme de la justice qui préconisent l’indépendance du barreau, le renforcement des droits de la défense et leur promotion ». «Ce projet de loi est de nature liberticide. Il y a une volonté à travers ce texte de porter atteinte aux droits de la défense et de l’indépendance du barreau vis-à-vis du pouvoir exécutif. Nous avons recensé 42 articles où le terme ministre ainsi que 7 articles où le terme ministère sont utilisés et qui ont de véritables interférences depuis l’admission jusqu’aux conditions d’exercice de la profession d’avocat alors que sa profession est censée être une profession libérale et indépendante. Certaines dispositions qui attentent à la libre plaidoirie et à la liberté d’expression sont une épée de Damoclès sur la tête de l’avocat.
A. B.