Les scandales s’accumulent, l’impunité reste

BRC, Sonatrach, GCA, autoroute Est-Ouest et la pêche

Les scandales s’accumulent, l’impunité reste

El Watan, 19 janvier 2010

Sous les scandales, les hauts responsables algériens ploient mais ne rompent pas. Les affaires de corruption qui ont éclaté ces dernières années n’ont pas révélé leurs secrets. Même l’affaire Khalifa, qualifiée de « scandale du siècle » par le Premier ministre algérien, est restée un mystère.

Ces affaires montrent, si besoin est, que les lois et les signatures de conventions internationales de lutte contre la corruption ne peuvent prémunir contre les escroqueries au plus haut sommet de l’Etat. Toutes les affaires de corruption révélées ont un point commun : l’impunité. L’un des exemples les plus édifiants est celui de l’actuel ministre de la Santé, soupçonné d’avoir détourné des aides destinées aux agriculteurs. L’homme de Bouteflika, Saïd Barkat, « a saisi sa position de ministre de l’Agriculture et de son amitié avec le Président pour se servir et servir son entourage. Pour preuve, il a détourné 70% des aides agricoles destinées aux 14 wilayas du Sud au seul profit de la wilaya de Biskra », écrit l’hebdomadaire El Khabar hebdo.

Le journal arabophone a également évoqué l’affaire de l’achat de matériel agricole défectueux, d’une valeur de 1000 milliards de centimes, auprès d’une société espagnole appartenant à l’ex-Premier ministre ibérique, José Maria Aznar. « La procédure d’achat du matériel n’a pas été respectée puisqu’il n’a pas été soumis à un avis d’appel d’offres national et international, tel que le prévoit la réglementation », souligne El Khabar hebdo. Saïd Barkat s’est dit « victime » d’une campagne qui vise à le faire partir du gouvernement. Même si la liste des affaires dans lesquelles est impliqué l’ancien ministre de l’Agriculture paraît encore longue, l’homme est toujours au gouvernement.

Il en est de même pour le scandale qui a éclaboussé le secteur de la pêche et a mis le clan de Bouguerra Soltani sur la paille. En octobre dernier, le tribunal de Annaba a eu à juger une affaire de trafic de thon rouge dans les eaux algériennes. Le secrétaire général du ministère de la Pêche, d’obédience MSP, a ainsi été inculpé aux côtés du directeur central de la pêche, de deux armateurs algériens et six turcs. La presse a révélé, par ailleurs, de nombreux dysfonctionnements dans des contrats de pêche au thon, dans les eaux algériennes, conclus avec des sociétés chinoises lorsque Bouguerra Soltani était secrétaire d’Etat à la Pêche de 1996 à 1998.

Mais l’affaire qui a été le mieux étouffée est celle de Brown Roots et Condor (BRC). Dans ce dossier traitant de passation frauduleuse de marchés (de gré à gré), Sonatrach aurait confié à cette société 27 projets d’un montant global de 63 milliards de dinars. Le recours de Sonatrach à BRC, malgré les surfacturations exorbitantes, était motivé, selon le PDG actuellement sous mandat de dépôt, par la « précipitation ». « Ce mode de passation de gré à gré a été expressément autorisé sous forme de décisions d’accord prises par le PDG sous le sceau de l’urgence, alors que la nature de ces projets ne le justifiait pas », commentent les rédacteurs du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF). D’aucuns pensaient que cette affaire devait signer la mort de la carrière de Chakib Khelil. Il n’en fut rien.

La société algéro-américaine a été précipitamment dissoute et plus personne n’aborde ce sujet. Les scandales politico-financiers devraient encore alimenter les manchettes des journaux tout au long de l’année 2010. Les graves irrégularités constatées dans l’attribution des marchés de l’autoroute Est-Ouest et dans les surcoûts occasionnés montrent une affaire savamment orchestrée. L’un des projets les plus importants du programme présidentiel tourne au scandale politico-financier impliquant des personnalités politiques et militaires. Il est à rappeler que les préjudices occasionnés par les transactions corrompues opérées dans les banques publiques au cours de la seule année 2005 ont atteint, selon un rapport de la police judiciaire, le montant de 231 milliards de dinars, soit près de 2,5 milliards d’euros.

Par Amel B.