Qui était derrière Djamel Zitouni ?

CANAL+ ET LES ATTENTATS DE PARIS

Qui était derrière Djamel Zitouni ?

El Watan, 2 novembre 2002

La chaîne à péage française Canal+ a programmé de diffuser lundi soir (23 h 05) une émission d’une heure et demie consacrée aux attentats de Paris de 1995. Cette enquête, menée depuis deux ans par deux journalistes, Jean-Baptiste Rivoire et Romain Icard, tourne autour d’un personnage du nom de Djamel Zitouni, qui n’était autre que le chef du GIA de l’époque, exécuté par ses pairs en 1996.

Le document en question (par pur calcul ou par esprit déontologique ?) a été programmé au lendemain du verdict du procès des accusés des attentats perpétrés dans la capitale française. L’émission, qui s’intitule simplement «90 minutes», et qui s’étiquette elle-même de relever du «journalisme d’investigation et de contre-pouvoir», a été tissée autour de la trame que Djamel Zitouni, qui a revendiqué, via son organisation terroriste, la paternité de ces attentats meurtriers, «travaillait en réalité pour le compte de la sécurité militaire algérienne». De là, le saut est vite fait et le téléspectateur ne manquera pas de relever que ces opérations de «guerre psychologique» dans l’Hexagone visaient en réalité à faire basculer la France officielle dans le camp des généraux dans leur combat contre les islamistes algériens. Pour cela, les enquêteurs font défiler sur la pellicule une kyrielle d’anciens officiers algériens du renseignement en rupture de banc avec l’armée ainsi que des personnalités proches des services de renseignement français, des magistrats antiterroristes, des policiers et un haut fonctionnaire du ministère de la Défense. L’objectif est de persuader, par le recoupement de certains événements historiques mêlés à la force de témoignages récurrents, la manipulation exercée par la sécurité militaire algérienne sur Djamel Zitouni et ses réseaux en France, et par l’idée peu répandue qu’en fait «certains services secrets français étaient au courant…». «Attentats de Paris-Enquête sur les commanditaires» ambitionne de générer un «scandale d’Etat» qui ne serait pas au diapason de la normalisation entamée depuis peu par les deux gouvernements et, par extension, jeter le trouble dans l’opinion publique des deux côtés de la Méditerranée à l’orée de la célébration en 2003 de l’Année de l’Algérie en France. Sans doute les initiateurs de l’émission espèrent-ils moins une remise en cause d’une affaire qui vient d’être jugée au grand jour par la justice française qu’un éclairage inattendu sur le jeu de forces occultes et les dividendes que chaque partie dans l’ombre a pu tirer de l’implication de la France dans la tragédie algérienne. La cassette de l’émission que la direction de Canal+ a refusé de montrer aux médias spécialisés ainsi qu’à des solliciteurs dépêchés par certains cercles algériens ne manquera certainement pas, comme il est d’ailleurs de coutume, d’orienter le téléspectateur sur la nature du régime algérien, ses anachronismes ainsi que sur la corruption qui gangrène le pays. Les enquêteurs ont promis des documents infaillibles et des témoignages d’une haute crédibilité. Attendons pour voir…

Par S. A. R.